Le puzzle de l'alimentation et du climat

26 Janvier 2021 Alimentation
Nos habitudes alimentaires à forte teneur en carbone ont endommagé l'environnement et menacent aujourd'hui notre avenir. Pour encourager des pratiques plus durables, de la ferme à la table, il faudra une recette réglementaire avec de multiples ingrédients, explique Céline Bonnet, économiste à TSE. Mais les consommateurs pourraient avoir du mal à l'avaler.
La consommation alimentaire est responsable de 15 à 28 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Le bœuf est le plus grand coupable, avec des émissions plus élevées que la viande de porc ou de poulet. Les systèmes de production extensifs peuvent également générer des émissions de gaz à effet de serre plus importantes par unité de production, bien que le pâturage contribue à la séquestration du carbone.
 
La consommation de produits animaux a des conséquences sur l'utilisation des terres et de l'eau : la production d'aliments pour animaux utilise 35 % des ressources en terres et 20 % des ressources en eau potable. L'élevage a d'autres effets indirects sur l'environnement, notamment la dégradation des sols, la pollution de l'air, de l'eau et des sols, la perte de biodiversité et la déforestation.
L'approche standard en économie recommande une réglementation au niveau du pollueur, basée sur le principe du "pollueur-payeur". Cependant, les recherches montrent qu'il serait plus simple, plus efficace et plus juste pour l'industrie alimentaire de réglementer la consommation plutôt que la production. Cela évite tout problème de mesure des différents types de pollution au niveau des exploitations (impact carbone, eutrophisation, acidification, utilisation des sols, utilisation de l'eau et perte de biodiversité). Elle empêche également les importations non réglementées de bénéficier d'un avantage déloyal par rapport à la production nationale.
 
Menu à trois plats
 
Il existe trois types d'instruments réglementaires différents : les politiques fiscales, les outils d'information et d'éducation, et les instruments comportementaux tels que les coups de pouce. Les politiques fiscales constituent un axe de recherche particulier. J'ai montré qu'un niveau élevé de taxe sur le carbone (200€/tonne d'équivalent CO²) sur les produits animaux impliquerait une augmentation du prix des produits animaux de 7 à 40%, selon le type et le morceau de viande. Cette augmentation de prix permettrait une réduction de 6 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l'achat de produits animaux. Les politiques fiscales ne seront donc pas suffisantes pour atteindre les objectifs européens d'une réduction de 30 % en 2030 par rapport à 2005. Elles devront être combinées avec d'autres outils.
 
Les politiques d'information et d'éducation peuvent réduire l'asymétrie de l'information entre les producteurs et les consommateurs sur la qualité des produits, les conditions d'élevage et l'impact environnemental. Toutefois, les consommateurs doivent être prêts à payer pour ces attributs du produit. Les études économiques montrent que la qualité est un critère important pour les consommateurs, et certains sont prêts à payer plus cher pour l'obtenir, mais les préoccupations environnementales sont beaucoup moins prises en compte. Les études réalisées jusqu'à présent montrent qu'il est difficile de modifier les habitudes alimentaires, notamment en ce qui concerne la viande, qui est perçue comme un bien de consommation normal et nécessaire et fait partie de la norme de l'alimentation traditionnelle.
 
Les instruments comportementaux permettent de modifier progressivement les habitudes et les normes de consommation. En France, l'initiative du Lundi Vert propose d'éviter la viande ou le poisson le premier jour de la semaine, en encourageant une transition simple et progressive vers des repas ayant un impact moindre sur l'environnement. Des expériences ont également montré que si les options végétariennes sont placées en premier sur les menus des restaurants, elles ont plus de chances d'être choisies.
 
La réduction de la consommation de viande est l'un des principaux défis que doivent relever les pays développés dans la lutte contre le changement climatique. Les pouvoirs publics devront améliorer la réglementation tout en soutenant tous les acteurs du secteur pour qu'ils adoptent des pratiques plus respectueuses de l'environnement. La résolution du problème ne sera pas facile : de nombreuses mesures devront être combinées pour produire des effets significatifs.
 
 
Photo d'illustration: Michael Pujals on Unsplash