Pour les petits aéroports en difficulté, "la solution peut venir de l'avion électrique", estime Marc Ivaldi

9 Octobre 2023 Transport

Le professeur d'économie à la TSE, l'école d'économie de Toulouse, spécialiste du secteur aérien évoque les difficulté des petites plateformes, qui maintiennent leur activité grâce aux subventions.

La région Occitanie compte-t-elle trop d'aéroports comme le souligne un récent rapport de la cour des comptes ?
On a quatre gros aéroports: Toulouse, Montpellier, Perpignan, Tarbes. Toulouse se porte très bien, il n'y a pas de sujet. Montpellier a connu une réduction importante de ses services, à cause du TGV, mais n'est pas en déficit. Perpignan c'est plus problématique : l'aéroport est près de Gérone, on commence déjà à mettre de l'argent public pour équilibrer les comptes. Ensuite, il y a Tarbes, très utile pour la destination de Lourdes mais qui n'est pas loin de Pau. Il y a un vrai problème entre Tarbes et Pau: Mais il Il y en un en Occitanie, l''autre en Nouvelle Aquitaine. Personne ne veut fermer son aéroport… Quant aux autres aéroports, ils survivent grâce aux subventions perçues pour les garder ces aéroports en service. On retrouve ce problème à Carcassonne, Cahors, Rodez ou Castres... D'ailleurs pour Castres il y a un autre problème : on ne pourra pas à la fois faire l'autoroute A69 et garder l'aéroport. Il faudra choisir où vont les subventions.
Tous ces aéroports peuvent-ils survivre ?
Tant que l'argent public permet de les garder en fonction. Il y avait une idée de spécialiser les petits aéroports. A Cas-tres Tarbes on souhaitait parquer les avions et les démonter, à Nîmes on voulait le spécialiser sur l'apprentissage et la sécurité civile… Mais en réalité, cela ne marche pas. La réalité c'est que si ces aéroports fonctionnent encore, c'est grâce à l'argent public. Du coup, le passager ne paye peut-être pas beaucoup que plus 30 % du prix du billet pour faire Tarbes-Orly. Même un aéroport comme celui de Montpellier est en difficulté…
Il se met dans le rouge à cause de la concurrence du TGV. Il n'est pas assez rentable, du coup il coupe des fréquences et des destinations. Or, moins il y a d'offre et moins il y a de passagers, moins il y a de revenus. C'est une mauvaise spirale. Mais, quand il y aura le TGV Toulouse pour aller à Orly, cela prendra un million de passagers à Blagnac... Ça risque de réduire l'intérêt de l'aéroport de Blagnac par rapport à Barcelone par exemple.
Le problème vient-il du politique ?
Les départements, les intercommunalités, qui ont leur indépendance, sont libres de définir leur politique de service public. Le politique rend des comptes à ses administrés et bien souvent, il ne veut pas donner l'impression de réduire les services publics et paye pour maintenir des lignes aériennes. Depuis 20 ans, que je suis ces affaires, je n'ai jamais vu une subvention se réduire. Au final, les pouvoirs publics ne sont pas parvenus à spécialiser les aéroports ni réduire les subventions. Désormais, les élus revendiquent une forme de décentralisation, pour garder la main sur ces questions, or il faudrait une autorité au-dessus qui encadre tout cela.
A quelle échelle ?
Tout dépend si on veut régionaliser ce dossier. Mais tant que cela restera entre les mains des élus, il ne se passera rien. Il faudrait une instance indépendante qui n'a pas de visées électorales. Ce dossier est un excellent test pour savoir si cela a un sens de donner plus de pouvoir aux régions.
Existe-t-il une solution pour les petits aéroports ? J'en vois une : la solution peut venir de l'avion électrique. Les petits aéroports sont largement amortis. Et leur entretien coûte bien moins cher que le rail. On pourrait très bien imaginer la création et le développement d'un réseau régional de transport aérien électrique. On peut mettre beaucoup de fréquences, car c'est très rapide de recharger les avions.
Mais c'est au point l'avion électrique ?
D'ici 4 à 5 ans, ce sera au point pour des avions jusqu‘à d' une vingtaine de places. C'est dommage d'ailleurs de ne pas aller plus loin dans la région qui se prétend être celle de l'aéronautique. Des pays du nord de l'Europe sont en avance. Cela intéresse aussi l'Espagne. Cela pourrait être une forme de revanche des petits aéroports. D'autant que je le répète, cela coûte beaucoup moins cher que le train. Avec un maillage interrégional, souple, flexible et économique, on pourrait transformer l'inconvénient d'avoir neuf aéroports qui coûtent très chers en un avantage. Ce dossier pourrait être porté par la région Occitanie, d'autant que les avions électriques pourront être construits à Toulouse.
Cet article, paru dans Midi Libre (site web), a été écrit par Yannick Povillon le 9 octobre 2023

Photo d'illustration de Ross Parmly sur Unsplash