Il n'y a pas d'alternatives à l'A69

11 Octobre 2023 Transport

L'autoroute A69 reliant Toulouse à Castres continue de faire parler d'elle, les associations environnementales alertant sur les conséquences climatiques graves qu'induirait la construction de cette route. Pour Marc Ivaldi, l'A69 doit être construite en parallèle de l'accélération du développement des mobilités décarbonées.

La réalisation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse est au coeur de nombreux débats. Alors que des opposants au projet ont entamé une grève de la soif ce lundi, les travaux de défrichement sont eux suspendus.
Pour bien comprendre ce qui est en jeu ici, il faut examiner ce projet au regard d'une analyse "coût-bénéfice". Pour certains, cette infrastructure, réclamée par de nombreux habitants depuis 30 ans, serait "ringarde" parce qu'elle favoriserait le mode automobile polluant actuel. Mais le sera-t-elle si tous les véhicules sont électriques, s'ils sont autonomes, si les poids lourds et les autocars rechargent leurs batteries par induction, si le partage des véhicules particuliers devient la norme et l'autosolisme l'exception?
Attention à ne pas ranger au musée le concept du véhicule particulier qui reste le mode de transport le plus flexible, synonyme de liberté individuelle, bien adapté aux territoires peu densifiés. Si l'on veut donner une chance à la mobilité décarbonée de demain, il faut continuer à aménager nos infrastructures routières dès maintenant.
"Effets d'agglomération"
Que se passerait-il si l'A69 n'était pas réalisée ? La réponse est simple : congestion routière et artificialisation des terres dans et autour de la métropole toulousaine. Une étude que j'avais menée en 2016 montrait que le coût de la congestion (perte de temps et de bien-être) correspondait au paiement implicite par l'automobiliste de 1,17 euro pour chaque trajet effectué. Malgré les améliorations du système de transport à Toulouse et les changements d'habitude après le Covid, le coût social de cette congestion dépasse les 150 millions d'euros par an. Une situation qui risque de s'aggraver du fait des "effets d'agglomération" qui induisent que la probabilité de trouver un emploi à Toulouse est plus forte qu'à Castres. Or, si rien n'est fait, les emplois seront délocalisés à Toulouse, et les résidents de Castres qui travaillent à Toulouse contribueront au nuage de CO2 au-dessus de la ville rose.
Face à ce phénomène, les villes périphériques autour de Toulouse se sont développées. Toutes, sauf Castres, possèdent une liaison autoroutière ou à 2 fois 2 voies avec la métropole. Le principe d'égalité inscrit dans notre Constitution devrait être suffisant pour justifier des mêmes conditions d'accès à la mobilité pour les habitants de Castres et Mazamet, sa commune voisine.
Trains insuffisants
Quid de l'alternative ferroviaire? Avec 11 trains par jour, la liaison actuelle n'est pas très flexible, voire rédhibitoire: au départ de Toulouse un train à 8 heures, le suivant à 9 heures… Si le trajet est certes plus rapide en train (1h07), pour des questions d'organisation quotidienne, ces horaires ne facilitent pas le recours au train. Sans compter que le train n'est pas vraiment moins cher. Il y a certes des billets à 1 euro à des heures que seuls les étudiants peuvent préférer, le ticket est souvent à 16 euros (hors coûts des transports à l'arrivée), à com-parer aux 9,6 euros d'un trajet en voiture (à 2 euros le litre, 6 litres aux 100km et un trajet de 80km, hors péage d'entrée de Toulouse).
Un report modal de la voiture vers le train nécessiterait un accroissement phénoménal des fréquences et/ou une baisse drastique des prix. Sans enterrer l'idée d'un RER régional, il ne faut pas être trop optimiste sur ce qu'il pourrait apporter. Malgré des investissements significatifs ces dernières années, la part modale du train n'a que légèrement pro-gressé, passant de 8-10% à 12-14% selon les études, confirmant toutes les constatations qui montrent que la réalisation d'infrastructures de transport en commun n'influe guère le partage modal.
Développement de l'Occitanie
Dans ce contexte, la réalisation de l'A69 permettra une baisse de 30% en moyenne du temps de trajet en véhicule particulier, puisqu'il est annoncé un gain moyen de 20 minutes sur un parcours de 78 minutes de centre à centre. Ce gain est aussi un gain économique. Le salaire mensuel médian d'un français en 2023 étant de 2.187 euros, son coût économique du temps peut être évalué à 0,24 euro par minute sur la base de 151 heures travaillées par mois.
En faisant gagner 20 minutes de temps, l'autoroute diminue le coût économique du trajet de 4,80 euros (soit 0,24 euro multiplié par 20). Ce chiffre est à rap-procher du tarif plein du péage qui sera de 6,77 euros (hors coût du péage d'entrée de Toulouse). Autrement dit, le coût économique net de l'A69 sera de 1,93 euro pour l'usager (à comparer au coût du ticket de train par exemple). Dans ces conditions, l'accès économique au bassin d'emploi Castres Mazamet deviendra attractif. A n'en pas douter, l'A69 contribuera à l'avenir de la mobilité et au développement des territoires de l'Occitanie.

Article paru dans Les Echos - Le Cercle (site web) le 11 octobre

Photo d'illustration de Matt Hardy sur Unsplash