Les fusions entre opérateurs mobiles sont-elles bénéfiques pour les consommateurs ?
25 Septembre 2025 Concurrence
Les téléphones mobiles faisant désormais partie intégrante de la vie moderne, les actions des opérateurs de réseau, et des régulateurs qui les supervisent, entraînent des conséquences considérables. Quel est l'impact des fusions dans le secteur de la téléphonie mobile sur les prix, les investissements et les consommateurs ? Comment les régulateurs doivent-ils gérer les fréquences radio qui sous-tendent les communications mobiles ? Ces questions sont abordées dans une nouvelle étude réalisée par Marc Ivaldi, chercheur au Centre Politique de la Concurrence & Régulation TSE. Ses conclusions suggèrent que les régulateurs doivent faire preuve de prudence lorsqu'ils évaluent les coûts et les avantages de la consolidation dans le secteur de la téléphonie mobile.
Pourquoi la réglementation des ondes joue-t-elle un rôle si crucial dans ce secteur ?
La structure du marché dans le secteur de la téléphonie mobile est fortement influencée par la politique antitrust et la réglementation des fréquences, qui sont les fréquences radio sur lesquelles chaque entreprise a le droit d'opérer. Les fréquences sont vitales pour les entreprises, et leur répartition entre les opérateurs a donc un impact considérable sur la concurrence. La commission fédérale des communications (FCC) des États-Unis a noté en 2010 qu'une allocation insuffisante des fréquences aux opérateurs de téléphonie mobile risquait d'entraîner une hausse des prix et une baisse de la qualité des services, de la compétitivité, de la demande et de l'innovation.
Récemment, les opérateurs de réseau de nombreux pays ont cherché à fusionner leurs fréquences, suscitant des débats sur le nombre optimal d'opérateurs mobiles permettant d'équilibrer la concurrence, la qualité du service et la durabilité. Selon certaines informations, les opérateurs de réseau en France et ailleurs auraient évité de proposer des fusions de quatre à trois, craignant d'être bloqués par les autorités antitrust.
Comment expliquer la réaction mitigée des régulateurs à l'égard des fusions dans le secteur de la téléphonie mobile ?
La consolidation augmente le pouvoir de marché, ce qui peut avoir une incidence sur les prix. Cependant, dans le domaine des télécommunications mobiles, elle peut également conduire à une transmission de données plus efficace grâce aux économies d'échelle.
Les économies de densité résultent de la perte de puissance des ondes électromagnétiques lors de leur propagation. Cela signifie qu'un opérateur de réseau peut desservir plus efficacement les zones urbaines densément peuplées, en offrant des vitesses de téléchargement plus élevées ou des coûts moins élevés que les zones rurales éloignées. Comme la densité de population desservie par chaque entreprise est inversement proportionnelle au nombre d'opérateurs, la qualité du service est susceptible de s'améliorer avec un nombre réduit d'entreprises.
Les économies de mise en commun apparaissent dans la gestion des files d'attente qui se forment lorsque de nombreux utilisateurs effectuent des demandes de données en même temps. En raison de la bande passante limitée, cela se traduit par des téléchargements plus lents. En mettant en commun leurs clients et leurs fréquences, les entreprises qui fusionnent peuvent gérer plus efficacement la congestion, ce qui augmente les vitesses de téléchargement.
En quoi votre article contribue-t-il au débat ?
Notre recherche s'appuie sur des outils issus de l'organisation industrielle empirique et de l'ingénierie des télécommunications pour comprendre l'impact du pouvoir de marché et des économies d'échelle. Nous avons d'abord construit un modèle qui relie les décisions des entreprises en matière de prix et d'investissements à la structure du marché. Les consommateurs choisissent un forfait de téléphonie mobile, ainsi que la quantité de données à consommer, en fonction des vitesses de téléchargement qui servent de mesure de la qualité du service. Grâce à notre modèle d'ingénierie des transmissions de données, les vitesses de téléchargement résultent désormais des décisions des entreprises et des consommateurs. En modifiant le nombre d'opérateurs et l'attribution des fréquences, nous pouvons ensuite simuler les effets des fusions, tels que le compromis entre le pouvoir de marché et les économies d'échelle.
Nous estimons notre modèle sur la base du marché français en 2015, en nous appuyant sur un ensemble de données qui comprend des informations sur les abonnements et la consommation de données pour Orange Mobile. Nous intégrons également les vitesses de téléchargement d'Ookla, les données détaillées sur l'infrastructure des réseaux mobiles fournies par l'Agence nationale de fréquences (ANFR), les données sur la répartition des revenus fournies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ainsi que les prix et les caractéristiques de tous les contrats proposés par les autres opérateurs de réseau.
Pourquoi les vitesses de téléchargement sont-elles si difficiles à modéliser ?
À mesure que l'augmentation du trafic utilisateur encombre la bande passante disponible, les vitesses de téléchargement sont déterminées à la fois par la consommation de données des consommateurs et par les investissements des entreprises. Même sans tenir compte de la congestion, il n'existe pas de corrélation directe entre les investissements des entreprises et les débits de transmission de données. En effet, la transmission de données dépend des fréquences détenues et de la distance de transmission.
Que vous apprennent vos résultats sur l'impact des fusions sur les consommateurs ?
Nos simulations révèlent un compromis évident : la consolidation entraîne des téléchargements plus rapides, mais des prix plus élevés. L'amélioration du service est principalement due au fait que les entreprises fusionnées mettent en commun leurs fréquences et leurs clients, plutôt qu'au fait qu'elles desservent des populations plus denses.
En nous concentrant sur les entreprises symétriques, nous constatons que le surplus du consommateur (le baromètre actuel de la politique antitrust) est maximisé à huit entreprises. Cependant, les consommateurs ne s'accordent pas sur le nombre optimal. Les consommateurs à faibles revenus préfèrent un plus grand nombre d'entreprises, car ils sont moins disposés à payer pour des téléchargements plus rapides que les consommateurs à revenus élevés.
Il convient toutefois de noter que le bien-être total, qui comprend le surplus du consommateur et les bénéfices des opérateurs, est maximisé avec quatre entreprises, ce qui correspond à la structure industrielle actuelle en France et dans de nombreux autres pays du monde.
Qu'en est-il de l'impact de l'attribution des fréquences ?
Nos recherches soulignent l'importance d'utiliser un modèle structurel pour quantifier la valeur sociale de l'attribution de davantage de fréquences, ce qui peut constituer un guide essentiel pour les régulateurs. Nous estimons que cette valeur est environ cinq fois supérieure à la volonté d'une entreprise individuelle de payer pour une unité marginale des fréquences. Si les enchères peuvent révéler la volonté des opérateurs de réseau de payer pour les fréquences, cela peut toutefois sous-estimer considérablement sa valeur sociale.
Quelles sont les implications politiques ?
Pour les régulateurs tels que l'ARCEP et l'ANFR en France, l'une des principales leçons à tirer est que le contrôle des fusions doit être étroitement coordonné avec la gestion des fréquences. Approuver une fusion sans tenir compte de l'attribution des fréquences risque de nuire aux consommateurs. À l'inverse, même un marché très concentré peut donner des résultats souhaitables si les politiques en matière de fréquences sont soigneusement conçues.
Lors de l'attribution de la bande passante mobile, les régulateurs doivent tenir compte de l'impact sur le bien-être social. Cela nécessite de comprendre à la fois la valeur sociale marginale des fréquences et son coût d'opportunité. Notre modèle quantifie la première, mais la quantification de la valeur des fréquences à d'autres fins dépasse le cadre de notre article, car elle nécessite un modèle d'autres industries.
POINTS CLÉS
• Décisions éclairées – Les régulateurs chargés des fusions dans le secteur de la téléphonie mobile doivent tenir compte des économies d'échelle et du pouvoir de marché.
• Compromis en matière de fusion dans le secteur de la téléphonie mobile – Moins d'entreprises signifie des prix plus élevés, mais un meilleur service.
• L'importance du revenu – Les consommateurs à faible revenu préfèrent un plus grand nombre de concurrents, tandis que les consommateurs à revenu élevé préfèrent un service plus rapide.
• Sous-évaluation des fréquences – La valeur sociale dépasse largement la volonté de payer des entreprises.
• Politique intégrée – L'examen des fusions et l'attribution des fréquences doivent être soigneusement coordonnés afin de protéger les consommateurs.