Whirlpool ou comment sauver les perdants de la mondialisation

3 Mai 2017 COP 21

Le défilé à l'usine Whirlpool des deux candidats à l'élection présidentielle était très révélateur : Marine Le Pen s'est contentée de faire des selfies avec quelques militants acquis à sa cause, avant qu'Emmanuel Macron ne s'engage dans une longue et courageuse discussion avec les ouvriers.
Les a-t-il pour autant convaincus, en particulier de ce qu'une formation leur permettrait de rebondir ? Rien n'est moins sûr, d'autant que ceux-ci se sont déjà fait dans le passé qualifier d'« inemployables » par leur ancien directeur. Certes, les propositions du candidat d'En marche vont dans le bon sens, en particulier la réorientation massive de la formation professionnelle vers les chômeurs et les peu qualifiés. Est-ce bien suffisant ? Peut-on vraiment sauver ainsi les perdants d'un monde en pleine mutation ?

Choc très violent

Pour certains, le choc est très ­violent, presque irrémédiable. Une étude portant sur la récession des années 1980 en Pennsylvanie montrait que les revenus des travailleurs réussissant à retrouver un emploi chutaient en moyenne de 40 %, et restaient dix ans plus tard de 25 % inférieurs à ce qu'ils pouvaient initialement espérer.
Et les dommages ne se réduisent pas au seul impact financier, mais affectent la réussite scolaire des enfants, voire la santé - une perte d'espérance de vie supérieure à une année dans le cas précité ! D'autres travaux ont permis d'observer des effets légèrement moindres, mais très significatifs, dans des pays européens bénéficiant pourtant d'une forte protection sociale.

Evolution du travail

L'enjeu dépasse largement la question de la mondialisation, et ne concerne pas les seuls ouvriers victimes de délocalisation. L'économie s'est transformée sous l'effet conjugué de la montée en puissance commerciale de la Chine, et des révolutions technologiques. Un effet « sablier » qui pénalise les classes moyennes et aboutit, selon l'économiste David Autor, à un monde du travail fortement polarisé entre des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés, et du travail hautement qualifié.
Une évolution qui n'implique pas a priori de disparition du travail, mais suppose de former désormais chacun afin qu'il puisse agir en complément des nouvelles technologies, et ne plus subir la menace de se voir un jour remplacé par les machines et ordinateurs. Pas une chose facile en France, où plus d'un jeune sur six n'est ni à l'école, ni en emploi, ni en formation, et où près d'un tiers des travailleurs sont sous-qualifiés au regard de leur emploi.

Deuxième chance

Pour les plus éloignés du marché du travail, une vraie réflexion doit être engagée afin de mettre en place un dispositif de formation adapté. Une série d'études ont été menées aux Etats-Unis dans les années 1990 pour déterminer l'efficacité des mesures de retour à l'emploi destinées aux jeunes qui n'ont pas terminé l'enseignement secondaire.
La plupart en ont dressé un bilan négatif. Seul le dispositif très intensif des « job corps », similaire au réseau des écoles de la deuxième chance ou aux établissements publics d'insertion de la Défense, semble avoir eu un impact significatif à moyen terme sur l'emploi et la rémunération de ses bénéficiaires.

Miser sur la formation ?

En ce qui concerne les travailleurs plus âgés victimes de la désindustrialisation, tout reste à inventer. Faut-il leur proposer un passage par l'apprentissage, subventionner un retour direct à l'emploi ou envisager des formations plus transversales ? L'objectif annoncé par le favori à la présidentielle a le mérite de l'ambition : former un million de jeunes peu qualifiés et un million de chômeurs de longue durée.
Le coût - quelques dizaines de milliers d'euros par individu - est « presque » commensurable avec les ressources annoncées - une part des 32 milliards de la formation professionnelle à laquelle il conviendrait de rajouter 15 milliards du plan d'investissement. Pour autant, le succès est loin d'être garanti, il sera nécessaire de mener des expérimentations et des évaluations rigoureuses afin de déterminer ce qui marche, et redonner confiance à une fraction entière de la population !

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