Faire payer l'Europe pour réformer le travail

18 Mai 2017 Macroéconomie

Comment réformer en profondeur le marché du travail en France, avec un président Macron muni d'une forte et fraîche légitimité politique, avec une probable majorité parlementaire pour le président, mais avec des syndicats et une gauche radicale qui promettent de tout faire pour l'empêcher : grèves, manifestations, blocus ? Plus que jamais, il faut payer pour réformer, accorder une compensation aux perdants de la réforme.
La réforme annoncée par le président Macron va être le test crucial et essentiel du mandat du nouveau président de la République. Le résultat de cet épisode dessinera tout le mandat de Macron.
Si les syndicats empêchent ou dénaturent la réforme, le président Macron en sortira affaibli, incapable pour le restant de son mandat de réformer la France à cause du blocage de syndicats et manifestants qui ne représentent qu'une minorité militante. Bref, la France En marche s'arrêterait alors à la première tempête. En revanche, si le président arrive à faire accepter son projet, il aura imprimé une méthode victorieuse pour le reste de son quinquennat. La réforme du travail est donc la bataille décisive du mandat Macron.

La fléxisécurité en modèle

Quelle forme pourrait avoir ici cette réforme ? Tout d'abord, elle doit être complète et profonde, sur le mode de la flexisécurité à la scandinave, suisse ou autrichienne. Dans le passé, les demi-réformes du travail n'ont pas permis de faire baisser le chômage structurel et ont accentué la dualité du marché du travail entre insiders et outsiders. Mieux vaut compenser plus aujourd'hui que de réduire l'ampleur de la réforme.
Ensuite, appliquons la clause du grand-père : les réformes ne devraient s'appliquer qu'aux contrats de travail signés à partir de la date de la réforme (ce qui légalement peut se faire en créant un nouveau contrat de travail qui seul supporterait la réforme). Cela réduira la crainte des travailleurs déjà en poste.
Puis il faut envisager clairement de payer pour réformer, à la fois pour compenser les perdants et pour inciter les syndicats à la réforme.

Un financement via l'Europe

Comment payer ? Une solution simple : l'Etat emprunte sur les marchés financiers et compense directement. Cette solution a deux faiblesses : elle accroît les déficits et dette officiels de la France (ce qui en soi n'est pas grave, mais irait à l'encontre de nos engagements européens) et rien ne garantit que les syndicats ne voudront pas revenir sur la réforme après.
Une meilleure solution : le financement de ces réformes passerait par l'Europe. Le Mécanisme européen de stabilité (capacité de prêt de l'Union européenne) prêterait directement aux entités françaises qui se réformeraient (assurance chômage, formation professionnelle...) et la Commission européenne abonderait un fonds de restructuration des entreprises impactées par la mondialisation (fonds déjà prévu mais peu utilisé), comme pour Whirlpool ou Continental.
Comme ces prêts seraient directement octroyés par l'Europe aux entités qui se réforment, nous serions sûrs que ce seraient de vraies réformes agréées par l'ensemble des Européens (et contenant le meilleur de l'Europe) et non des réformes partielles à la française.
Impossible alors pour les syndicats radicaux de convaincre l'Europe de payer sans réformer. En outre, si ces réformes étaient financées directement par l'Europe, cela n'augmenterait ni le déficit ni la dette de la France.

Compenser la perte de revenus pour les syndicats

Enfin, le gouvernement devrait envisager clairement de compenser les pertes de revenus liées à ces réformes pour les syndicats. Cela paraît choquant, mais soyons réaliste, les syndicats (ouvriers et patronaux) trouvent leur financement dans la gestion paritaire des organismes sociaux. Le gouvernement devrait indiquer qu'il couperait ces financements (pas toujours transparents) si les syndicats s'enferrent dans un refus complet. En revanche, il pourrait remplacer ces financements par un financement annuel explicite voté par le Parlement.

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