Pré-COP21 à Paris : Russie, Chine, Etats-Unis… pourquoi ils pourraient torpiller l’espoir d’un accord ambitieux

10 Novembre 2015 Climat

Interview accordée à Atlantico.fr par Christian Gollier

1- Durant trois jours et depuis dimanche, une soixantaine de pays se sont réunis à Paris pour une "répétition générale" de la COP21 qui se tiendra dans trois semaines. Récemment, l'OCDE prévenait que l'objectif de maintenir le réchauffement climatique au-dessous de 2°C était hors de portée. Qui sont aujourd'hui les grands acteurs réticents à y parvenir ? Et plus globalement les moins sensibles au réchauffement climatique ?

La réticence est générale, et elle s’explique simplement par le fait que le coût des efforts de réduction des émissions de CO2 risque d’être élevé, et très peu « rentable » pour les pays qui accepteront de s’impliquer. Nos efforts bénéficient essentiellement aux autres. Nous avons collectivement intérêt à réduire massivement nos émissions, mais chacun a intérêt à ce que ce soit les autres qui fassent l’effort. Rappelons-nous du protocole de Kyoto en 1997, dans lequel les pays riches s’engageaient à faire beaucoup dans ce domaine, … pour finalement ne rien faire. Seule l’Europe a réussi à mettre en place un mécanisme de réduction crédible, mais la crise économique a beaucoup réduit l’ambition initiale.

Beaucoup d’entreprises, en particulier dans le secteur électrique, sont prêtes à s’engager, mais seulement si cela ne conduit pas à des distorsions de la concurrence. Elles ont raisons. D’abord parce qu’in fine, comme on le voit en Allemagne, ce seront nécessairement les consommateurs qui paieront la note. Après tout, c’est leur consommation qui génère la pollution, et c’est elle qu’on cherche à contrôler. Mais plus fondamentalement, à quoi sert-il pour un pays d’être vertueux si le seul résultat est un transfert de la production fortement émettrice de CO2 (et des emplois) vers les pays qui n’ont pas d’ambition climatique, avec un résultat finalement nul pour l’environnement ? Pour éviter ce que les experts appellent ces « fuites de carbone », il faudra absolument obtenir un accord international qui évite cet effet d’aubaine pour les pays qui ne joueront pas le jeu.

Les pays propriétaires de ressources fossiles importantes, comme la Russie dont 68% des exportations en 2013 étaient en pétrole et gaz, ont évidemment beaucoup à perdre dans un accord international sur le climat. Je vous rappelle qu’en l’absence d’une technologie sûre et pas trop chère de séquestration du carbone, la seule solution possible est de décider de ne jamais exploiter ces réserves de gaz, pétrole et de charbon, qui sont encore très importantes.

Finalement, pensons à la plupart des pays en développement pour lesquels les questions de développement, d’amélioration de la santé et de l’éducation sont à court et moyen termes beaucoup plus importants que la question climatique. Pouvoir penser à long terme est un luxe incommensurable quand on ne sait pas ce qu’on va manger ce soir.

2- A contrario, quels sont ceux qui semblent les plus conscients de ce problème ?

Obama veut terminer son deuxième mandat auréolé d’un succès climatique, mais il n’est pas sûr qu’il va pouvoir tordre le cou à un Congrès violemment opposé à toute action sur le climat, notamment parce que leur concurrent industriel principal, la Chine, ne fait rien.

De leur côté, parce que les opinions publiques y sont particulièrement convaincues et impliquées, l’Europe est en pointe sur ce dossier, mais c’est un non-événement tant ceci est vrai depuis plus d’une décennie. 

3- A trois semaines de la COP21, ces positions ont-elles des chances de changer ? Comment ?

La vraie incertitude porte sur la Chine qui, sur le papier, semble vouloir s’impliquer, ce qui est vraiment nouveau. Si cela se confirmait à Paris, les républicains américains perdraient un argument de poids dans leur opposition à Obama sur ce dossier, ce qui pourrait faire basculer le monde dans une dynamique positive.

Mais il est probable qu’aucun engagement crédible, efficace et vérifiable ne soit pris à Paris. Dans ce cas, la suspicion reviendra vite sur la réalité des promesses. Paris subira alors le même sort que Kyoto. Les générations futures porteront alors un jugement sévère sur notre irresponsabilité collective. Les économistes n’ont hélas pas de baguette magique à proposer, juste des larmes et du sang.