Faut-il déréguler la finance?

30 Mars 2017 Finance

Trump annonce qu'il va déréguler le secteur financier, l'action de Goldman Sachs s'envole . Les Anglais menacent de déréguler pour protéger la City ­contre le choc du Brexit . Et nous ?
L'Europe devrait-elle, elle aussi, déréguler son système financier et revenir sur les réformes mises en place en réponse à la crise de 2007-2008 ?

Pour répondre à cette question, examinons les conséquences probables de la dérégulation américaine. Nous nous demanderons ensuite quelle est la meilleure réaction possible face à ces conséquences.

Des prises de risques élevées

La dérégulation de la finance aux Etats-Unis va probablement conduire à une nouvelle vague d'innovation. On peut anticiper que les grandes banques et « shadow banks » américaines vont proposer de nouveaux produits, peut-être en profitant des possibilités qu'offre la fintech.

Le développement de ces innovations pourrait relancer la croissance du secteur financier aux Etats-Unis. Une évolution similaire pourrait aussi avoir lieu au Royaume-Uni s'il adopte une stratégie de dérégulation. Bonne nouvelle pour les ingénieurs français qui pourront trouver là des opportunités de carrières attractives.

Mais on ne peut exclure, hélas, que ces développements conduisent, à nouveau, à des prises de risques élevées et difficiles à observer, surveiller et contrô­ler ! Surtout dans un contexte où Trump a décidé de geler les embauches dans les Fed et prévoit de supprimer l'office de protection des consommateurs en matière financière.
Ces développements seraient complémentaires d'une accélération artificielle et pro­visoire de l'activité économique aux Etats-Unis, à base de baisse des impôts, dépense publique et déficit budgétaire. Il se pourrait que Trump sème ainsi les graines de la prochaine crise.

L'union bancaire européenne : outil important

Il serait prudent, pour l'Europe, de se protéger contre ce risque. Pour ce faire, il est important que notre système financier soit résilient, solide et stable. Des banques bien capitalisées contribueront à cette stabilité, si la régulation bancaire n'a pas pour effet de dévier de nombreuses activités vers le « shadow banking. »
Nous bénéficierions aussi de chambres de compensation centralisée transparentes, soucieuses d'éviter le développement de positions risquées excessives.

Pour que ces garde-fous soient efficaces, il importe qu'ils s'intègrent dans une architecture européenne, où chaque nation veille à éviter que les autres ne soient trop accommodantes vis-à-vis de leurs acteurs nationaux.
Dans ce contexte, l'union bancaire européenne peut s'avérer un outil très important, avec, en amont, une surveil­lance des risques et la mise en place de plans de résolution en cas de détresse. C'est en anticipant les chocs qu'on les absorbe le mieux.

Un intérêt pour tous

C'est donc au niveau européen que nous devons chercher une réponse aux chocs imposés au système financier international par la nouvelle administration américaine.

Si chaque pays cherchait à tirer son épingle du jeu, comme le Royaume-Uni risque de le faire, nous aboutirions à une situation similaire à celle du dilemme du prisonnier : collectivement, l'ensemble des joueurs (ici les nations) bénéficierait d'une collaboration (ici sur une régulation commune), mais, individuellement, chaque joueur est tenté d'adopter un comportement de passager clandestin (laisser les autres nations contrô­ler leurs risques, mais n'en rien faire à l'intérieur de ses propres frontières).

Dans une situation de dilemme du prisonnier, tous les joueurs ont à gagner à la présence d'une architecture institutionnelle permettant la prise de décisions coordonnées et évitant les comportements de passager clandestin.

Transparence, anticipation des chocs et coordination devraient permettre à l'Europe de se prémunir ­contre le risque que fait courir Trump au système financier international. A long terme, cette politique prudente sera bonne pour les citoyens, les entreprises et les banques.

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