Une stratégie anti-Covid au prix fort

11 Juin 2020 Coronavirus

On m’a toujours expliqué que mon grand-père était mort guéri, un oxymore que j’ai eu de la peine à comprendre petit. Le traitement l’avait guéri de son cancer, mais l’avait tellement affaibli qu’il en était mort. Il n’y a pas de traitement contre le Covid-19 autre que le confinement et la distanciation sociale. Ce traitement de cheval appliqué à la population française semble donner d’excellents résultats sanitaires, mais il affaiblit économiquement le malade.
D’après l’OCDE, la France est le pays qui a le plus réduit sa création de richesse au premier trimestre 2020. Ceci traduit sans doute une stabilité du PIB jusqu’à la mi-mars, puis une chute vertigineuse de plus de 30 % dès le démarrage du confinement du 17 mars. Sur la même période, l’Allemagne a subi un moindre choc. Même l’Italie, pourtant plus précocement et plus durement touchée que nous, a mieux résisté.

Les statistiques sur la consommation électrique comme sur la mobilité prouvent que la France a confiné de façon plus radicale que d’autres. On peut classer les politiques sanitaires face au Covid-19 en trois catégories.
La première consiste à ne rien faire, une solution initialement évoquée par Donald Trump et Boris Johnson par exemple. Parce que le virus est très contagieux, une telle stratégie aurait submergé les hôpitaux, conduisant à des centaines de milliers de décès en France en quelques semaines dans des conditions sanitaires atroces, les médecins devant choisir qui sauver et qui laisser mourir. La deuxième stratégie consiste à empêcher cela en lissant la courbe d’infection. Les modèles disent que c’est réalisable en confinant 30 à 40 % de la population pendant deux ou trois mois. Le coût économique est faible.
Le taux d’immunité collective et donc la mortalité dépendront dans ce cas de la capacité des citoyens et des entreprises à maintenir les gestes barrières. Enfin, on peut tenter la politique de l’écrasement de la courbe, en imposant un confinement dur et économiquement désastreux à court terme ayant comme finalité l’éradication du virus. Cela fut la stratégie française jusqu’au 11 mai.

Si nous parvenons à empêcher une deuxième vague de la pandémie, cela peut être une stratégie gagnante. Mais elle serait très coûteuse en cas d’échec, car le traitement initial aurait affaibli le malade sans le soigner aucunement. Il faudra donc suivre les statistiques de l’infection tout au long de l’été et se préparer à resserrer le confinement le cas échéant. L’absence de coordination européenne fait que les pays du Nord risquent d’exercer sur nous une externalité négative en nous renvoyant le virus qu’ils ne cherchent pas à éradiquer chez eux.
Le confinement est une stratégie barbare de lutte contre une pandémie. Si nous pouvions tester 100 % de la population toutes les semaines, nous pourrions placer en quarantaine les personnes contagieuses et mettre au travail toutes les autres, éliminant la pandémie en quelques semaines et réduisant à pratiquement zéro le coût économique. L’absence de réelle volonté politique dans ce sens, en France comme dans beaucoup d’autres pays, conduit
à un appauvrissement généralisé qu’il nous faudra payer un jour, car on ne peut consommer ce que l’on n’a pas produit. 
Finalement, ce sont essentiellement les personnes très âgées qui décèdent de cette maladie. Si une deuxième vague devait se produire, pourquoi ne pas les mettre à l’abri tout en construisant l’immunité collective avec les autres générations qui continueraient à créer les richesses dont nous avons tant besoin ? Ce serait un bel exemple de solidarité intergénérationnelle,sauvant les vies et l’économie.

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