Préparer les territoires au monde d’après

30 Septembre 2020 Politiques publiques

Le choc économique et social lié au Covid-19 va toucher très durement le pays. Pour autant, ce nouveau contexte constitue une opportunité pour réfléchir aux leviers à mobiliser pour préparer la France à la transition économique et écologique. Alors que Jean Castex, Premier Ministre déclare que ‘c’est par les territoires, et dans les territoires que nous préparerons le mieux la lutte contre la crise et la relance économique’, nous partageons ici les recommandations de 12 experts de tous horizons pour inscrire les territoires français dans l’avenir et préparer la France au monde d’après.

Si la crise économique liée au Covid-19 est globale, il importe d’adapter la réponse au niveau local afin de tirer le meilleur parti des plans de relance déployés par L’Union européenne et le gouvernement français. C’est d’autre part à l’échelle locale que se jouent les solidarités, la création d’emplois et les mobilités. Si nos recommandations présentées ici sont plus détaillées pour l’aire urbaine toulousaine, la démarche est universelle et transposable au niveau national.

S’appuyer sur ses atouts pour rayonner en France, en Europe et dans le monde

La principale recommandation de la commission est de partir des atouts existants, identifiés à partir d’évaluations indépendantes, et de les développer pour donner aux territoires un rayonnement plus fort en France et à l’étranger. Aussi nous recommandons de soutenir, développer et restructurer les pôles industriels et scientifiques existants ou potentiels. Concernant Toulouse, il nous semble ainsi logique de capitaliser sur les nombreux atouts du territoire : un fort potentiel scientifique, une base industrielle de pointe et le bon vivre, caractéristique de la région d’Occitanie.

L’aéronautique, poumon économique du territoire, fait face aux difficultés que l’on sait : décroissance forte de l’activité à court et moyen terme, défi environnemental. Elle garde, nous en sommes convaincus, un bel avenir, mais la ville doit stimuler d’autres secteurs de croissance. Ainsi les domaines du spatial et du climat, des « nouvelles mobilités » (mobilités propres et nouveaux usages) et des biotechnologies qui y bénéficient de compétences exceptionnelles constituent de forts leviers potentiels de croissance. En ce sens, la commission invite la Métropole et la Région à faire de Toulouse la capitale européenne de l’espace du futur, avec la production de satellites miniatures de pointe et l’analyse de leurs données, à attirer les technologies liées aux transports décarbonés et intelligents (hydrogène, batteries, véhicule autonome), et enfin à développer les applications de biotechnologies et un pôle pour la médecine du futur.

Pour conforter ces points forts, nous recommandons le renforcement de la formation supérieure et de la recherche autour d’une ambition collective : celle de rayonner internationalement au travers d’une marque unique, avec comme perspective des universités françaises mieux gouvernées et plus attractives. La nomination d’une personnalité externe est parfois la meilleure solution pour accorder les acteurs et bâtir un projet collectif ambitieux ; c’est ce que nous avons suggéré pour Toulouse.

Engager la transition climatique

L’autre crise qui se profile est climatique, avec des prévisions très pessimistes quant à l’impact du climat sur le quotidien des français et sur divers secteurs d’activité dont l’agriculture. Il est urgent de contribuer à la diminution des émissions de gaz à effet de serre mais aussi de préparer les villes au climat de demain, forcément plus extrême. Aussi nous invitons les métropoles à repenser leur système de mobilités, point essentiel pour Toulouse dans la mesure où l’étalement urbain particulièrement fort dans la ville y favorise le recours à l’automobile (utilisée dans 80% des déplacements).

En lien avec le plan de relance national, nous préconisons par ailleurs un grand plan de rénovation des logements afin d’améliorer l’isolation générale des habitations ; pour assurer un impact environnemental à la hauteur de l’effort public consenti, il faudra, en pratique et à l’échelon local, former de nouveaux spécialistes et conditionner les subventions à la performance de l’isolation. Cela bénéficiera particulièrement à la suppression des passoires thermiques et aux personnes vulnérables concernées.

Une réflexion sur l’organisation des territoires et une stratégie commune des régions, départements et villes doivent être engagées pour préparer le pays et ses terres agricoles à un climat différent et promouvoir davantage l’agriculture écologique. Concrètement, il s’agit ici d’encourager les acteurs du secteur à basculer vers des pratiques agroécologiques et notamment à développer les cultures de légumineuses capables de fixer l’azote atmosphérique. La pratique de l’agroforesterie, qui permet de piéger ou stocker du carbone dans le sol ou les plantes doit également être promue. C’est par ailleurs l’occasion d’expérimenter la mise en place de systèmes locaux de « compensation carbone » visant à rétribuer les pratiques les plus vertueuses.

Améliorer l’accès des jeunes au marché de l’emploi

L’accès des jeunes à l’emploi est un enjeu majeur, rendu difficile par les effets de la crise du Covid-19. En particulier, il est impératif de penser des solutions pour mieux accompagner les jeunes décrocheurs du système éducatif. Pour les aider dans l’élaboration de leur projet professionnel, la commission invite à une collaboration renforcée entre Pôle emploi et les collèges et lycées ; en outre, la démultiplication des visites d’entreprises apparaît très opportune pour mieux faire connaître aux collégiens et lycéens le monde professionnel. Plus largement, dans le but de faciliter la recherche d’emplois notamment dans le contexte sanitaire actuel, la commission préconise de numériser systématiquement les salons d’embauches mis en place par les collectivités et de les réorganiser virtuellement. Cette version numérique des salons pourrait en améliorer l’efficacité et offrir aux demandeurs d’emplois des services plus ciblés.

Les territoires en première ligne

Sans stratégie innovante, les effets de la crise sanitaire et économique seront durables, même après la fin possible de l’épidémie. Les plans de relance constituent une opportunité pour repenser nos territoires et faire évoluer nos activités afin de préparer, dès aujourd’hui, la reprise économique. Cette ambition doit être collective et partagée à tous les niveaux par les villes, les métropoles, les départements, les régions et l’Etat. En agissant de concert et au service des citoyens et des entreprises, ces instances peuvent faire des territoires les fers de lance de la reprise, construire des pôles scientifiques et industriels de premier plan internationaux, engager le pays dans la durée vers une transition écologique agricole et protéger les personnes les plus touchées par la crise. Ensemble, elles peuvent repenser le monde d’aujourd’hui pour construire celui d’après et inscrire nos territoires dans l’avenir.

Copyright Le Point

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