Partout en Europe, les populistes de droite gagnent du terrain, de l'AfD en Allemagne au Rassemblement national en France. Deux nouvelles études menées par Laurenz Guenther (Toulouse School of Economics et IAST) révèlent une raison structurelle à ce phénomène : les politiciens des partis traditionnels sont systématiquement en décalage avec leurs électeurs sur des questions culturelles telles que l'immigration, la criminalité et les rôles de genre.
S'appuyant sur des enquêtes menées auprès de plus de 27 000 citoyens et 1 000 parlementaires dans 27 pays européens, Laurenz Guenther constate que les législateurs sont en phase avec les électeurs sur les questions économiques. Cependant, il existe un énorme « fossé de représentation » concernant presque toutes les questions culturelles, les législateurs étant beaucoup plus libéraux que les électeurs. En moyenne, la différence entre les parlementaires et les électeurs est aussi importante que celle entre les socialistes et les conservateurs.
Immigration
Cet écart de représentation est systématique. Comme l'explique Laurenz Guenther : « Le citoyen moyen, électeur, membre d'un parti, homme, femme, instruit, non instruit, riche, pauvre, âgé ou jeune, est plus conservateur sur le plan culturel que le député moyen de son pays. Les immigrants, en particulier, sont plus conservateurs que leurs députés en matière d'immigration et d'assimilation. »
Par exemple, il a constaté que plus de 50 % des immigrants sont d'accord ou tout à fait d'accord avec l'affirmation selon laquelle l'immigration devrait être considérablement réduite, alors que seuls 24 % des députés européens partagent cet avis. De même, environ 72 % des immigrants sont d'accord ou tout à fait d'accord pour dire que les immigrants devraient être tenus d'adopter les traditions nationales, alors que seulement 48 % des parlementaires partagent cet avis.
La publication de Laurenz Guenther a attiré l'attention du New York Times, du Financial Times et de commentateurs tels que Tyler Cowen et Matt Yglesias, qui le décrivent comme une nouvelle façon de comprendre le populisme à travers le prisme de la demande des électeurs et de l'offre des élites. Pour les journalistes qui couvrent la politique européenne, les débats sur la migration ou la résilience démocratique, il offre des preuves opportunes qui répondent à certaines questions importantes et en soulèvent beaucoup d'autres.
Populisme
Laurenz Guenther vient de publier un autre article s'appuyant sur les élections allemandes de 2025. Un échantillon de 5 040 citoyens allemands a reçu de manière aléatoire différentes informations sur la position de la CDU, le principal parti de centre-droit allemand, en matière d'immigration, une question marquée par un écart de représentation important. Il a constaté que la perception de la position de la CDU influence considérablement les intentions de vote et les mesures comportementales incitatives : lorsque la CDU est perçue comme plus proche des préférences conservatrices de l'électorat en matière d'immigration, le soutien à l'AfD, parti populiste de droite, diminue. « Nos estimations indiquent que la part des voix de l'AfD diminuerait de 75 % si la CDU adoptait sa position sur l'immigration. »
Laurenz Guenther est chercheur à l'Institut d'études avancées de Toulouse (Toulouse School of Economics) et membre de l'Institut pour la Politique Européenne de l'université Bocconi.
Laurenz est disponible pour des interviews en anglais et allemand, par téléphone ou via Zoom. Si vous êtes intéressé·e, veuillez contacter Caroline Pain, attachée de presse de TSE, à l'adresse caroline.pain@tse-fr.eu

