L’universalité mathématique

1 Juillet 2018 Digital

Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre TSE ?

Quand je suis arrivé en 2008, je suis avant tout venu à Toulouse pour rejoindre un excellent groupe de recherche en mathématiques appliquées et l’opportunité d’explorer les interactions avec les économistes toulousains. J’ai assisté à des séminaires, surtout en économie théorique et échangé avec de nombreux collègues, ce qui m’a permis d'utiliser mon expertise pour répondre à diverses questions économiques et d’imaginer de nouvelles pistes de recherche au croisement de nos disciplines. J’ai par exemple travaillé sur des modèles d’économie urbaine de type Beckmann qui permettent de contribuer à comprendre, en utilisant la théorie mathématique du transport optimal, comment les gens choisissent leur allocation spatiale.

Les économistes, c’est particulièrement vrai à TSE, ont un excellent niveau en mathématiques et nous avons une compréhension commune naturelle des problématiques rencontrées, ce qui rend la collaboration très facile. Mais les maths peuvent bien sûr également être d’une grande aide à d’autres disciplines. J’ai ainsi par exemple beaucoup travaillé avec des biologistes afin de modéliser l’émergence d’une population d’être multicellulaire à partir d’êtres unicellulaires. J’explore globalement depuis quelques années des propriétés émergentes dans diverses applications.

Comment définir les propriétés émergentes ?

Une propriété émergente est une propriété d’un système qui n’est la propriété d’aucun de ses composantes mais l’est du système dans son ensemble. Cette idée était déjà dans les travaux des premiers économistes tels que Bernard Mandeville, David Hume, et bien évidemment Adam Smith avec sa fameuse « main invisible ». Ces systèmes sont très intéressants pour les physiciens et mathématiciens dans la mesure où ceux-ci deviennent de plus en plus ordonnés sans avoir recours à un système de commande centralisé. Les propriétés émergentes sont une source intarissable d’interactions entre les disciplines scientifiques. Je travaille, par exemple, depuis plusieurs années avec le biologiste Guy Theraulaz (CRCA) et le physicien Clément Sire (LPT) sur l’émergence d’intelligence collective. On s’intéresse plus précisément à la question du transfert d’information entre individus au sein d’une population afin que le groupe dans son ensemble parvienne à résoudre un problème qu’un individu seul n’aurait pas pu résoudre par lui-même. Nous construisons des modèles mathématiques robustes et prédictifs en nous basant sur l’analyse de données issues d’expériences que nous avons menées nous-même à TSE. 

Que représente l’interdisciplinarité pour vos travaux ?

L’interdisciplinarité est fondamentale dans ma façon de faire de la recherche. Elle permet de combiner des approches qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer et surtout d’apprendre et de questionner. L’Institute for Advanced Study in Toulouse est en ce sens un atout particulier. La découverte de travaux en sciences humaines et en biologie suscite toujours de nouvelles problématiques et de passionnantes pistes de réflexion.  Ces interactions me sont extrêmement précieuses et constituent pour moi un défi particulièrement stimulant intellectuellement. 

Extrait du TSE Mag#17 Eté 2018