Les maths de demain

1 Juillet 2018 Economie numérique

Qu’est-ce qui vous a attiré à TSE ?

J’ai rejoint TSE en 2014 motivé avant tout par l’ambition académique du groupe de recherche, à la pointe des principaux enjeux dans le domaine des mathématiques et la volonté de rejoindre une institution qui donne aux chercheurs des moyens de travails conséquents. TSE est une maison où les choses avancent et fonctionnent bien.

Depuis mon arrivée, le groupe mathématiques et statistiques s’est agrandi et a progressé dans de nombreux domaines et je crois que nous répondons actuellement à toutes les grandes tendances de recherche du moment en mathématiques appliquées, que ce soit les Big Data, l’Intelligence artificielle, l’optimisation, le machine-learning mais aussi les dernières avancées de théorie des jeux avec des jeux répétés. L’émulation scientifique est un réel atout de TSE.

Sur quoi travaillez-vous ?

Je travaille en ce moment sur plusieurs sujets de recherche, notamment sur l’apprentissage statistique, qui est l’outillage derrière la plupart des intelligences artificielles. Par exemple la compréhension de la géométrie des très grands graphes, qui est une problématique que l’on rencontre quand on utilise d’immense jeux de données, ou Big Data. Facebook est un exemple parfait de ce type de données, si l’on essaie de représenter les interactions entre les utilisateurs, alors on peut utiliser des outils mathématiques pour essayer d’en comprendre les grandes tendances, les centres et les axes principaux.

Je me suis également penché sur des problématiques d’optimisation de fonctions, non nécessairement convexes, par un algorithme séquentiel. Notre apport c’est d’avoir développé une approche qui permette de sortir du cadre de convexité et du cadre de mesure déterministe afin d’avoir des résultats valables dans un plus grand nombre de situations. Je tiens d’ailleurs à souligner les travaux précurseurs exceptionnels de Jérôme Bolte sur le sujet. Ce type de travaux peuvent être utilisés en décision séquentielle, machine-learning mais aussi en finance.

Plus concrètement, nous avons travaillé avec Airbus pour utiliser ces algorithmes de décision séquentielle afin de définir le plan de vol optimal en tenant compte de l’incertitude concernant les conditions météos ou le poids exact de l’avion et ainsi trouver le trajet qui consomme le moins de carburant. Nous avons testé ces algorithmes sur les simulateurs de vol d’Airbus avec succès.

Nous travaillons également en ce moment en immunologie avec l’Oncopole de Toulouse afin de codifier la rémission de la Leucémie Lymphoïde Chronique, maladie cancéreuse du sang. Nous faisons ainsi beaucoup d’analyse et traitement de données afin de proposer un modèle causal prenant en compte les différentes variables. A terme nous espérons améliorer la compréhension de cette maladie et de ses possibles traitements.

Enfin je travaille en ce moment sur la déconvolution de loi de mélange par super-résolution. L’idée c’est de pouvoir trier parmi des observations les lois qui les codent. Ce travail met en lien optimisation (et en particulier la notion de dualité) et les statistiques, c'est un nouveau domaine passionnant et prometteur.

Quelles sont les grandes tendances actuelles en mathématiques ?

En ce moment, les méthodes séquentielles sont au cœur des préoccupations en mathématiques appliquées (optimisation et statistiques). Elles permettent de prendre des décisions sous incertitude et en temps réel. Ces enjeux sont de plus en plus importants du fait de l’augmentation constante du nombre de données récoltées, notamment pour construire tous les algorithmes qui régissent le monde numérique, c’est ce qu’on appelle le machine-learning.

Le deep-learning est un autre enjeu très actuel, il s’agit d’une sous-partie du machine-learning qui consiste à mettre en place une cascade de modèles extrêmement complexe qui, si elle fournit des prédictions fiables, est très opaque et l’algorithme final est souvent non-lisible par un humain. C’est ce qui le différencie de la plupart des autres méthodes de machine-learning que l’on peut comprendre et visualiser.

Il faut tous les jours de nouveaux algorithmes pour traiter de façon continue et ininterrompu les données massives qui arrivent à chaque seconde et qui peuvent signaler des changements très rapides dans tous les domaines mesurés. Ces problématiques vont être au cœur des mathématiques et des questions de machine-learning pour les dix prochaines années et notre groupe de recherche est extrêmement dynamique sur ces sujets cruciaux.

Extrait du TSE Mag#17 Eté 2018