Pour un Jobs Act à la française

30 Mars 2015

En France le taux de chômage atteint désormais 10 %, sans compter près de 1,5 million de personnes inactives qui souhaiteraient travailler mais qui ne sont pas comptabilisées comme chômeurs. C'est l'un des taux les plus élevés parmi les pays de l'OCDE, et il est peu probable que le regain de croissance attendu pour 2015-2016 suffise à le faire baisser significativement. Ce chômage de masse dure en réalité depuis plus de trente ans. Le succès économique de la France se mesurera dans les années à venir dans sa capacité à faire passer durablement le chômage sous la barre des 7 %. Cela n'est pas survenu depuis 1982 ! Pour atteindre cet objectif il faut une réforme profonde du marché du travail qui favorise les créations d'emplois en sécurisant les conditions de rupture du contrat de travail. Il faut à la France un Jobs Act de grande ampleur pour faire diminuer le chômage et améliorer la sécurité des parcours professionnels.


Ce Jobs Act doit comporter quatre volets. Le premier doit instituer un système de formation professionnelle qui assure le financement de formations dont la qualité est certifiée pour les personnes qui recherchent un emploi. Le deuxième doit améliorer l'efficacité de l'assurance-chômage en instituant une modulation des cotisations des entreprises à l'assurance-chômage selon la logique de bonus-malus, et en encourageant les demandeurs d'emploi qui le peuvent à sortir au plus vite du chômage. Le troisième doit accélérer la baisse du coût du travail au niveau des bas salaires, notamment en recentrant les aides actuelles autour du SMIC, car c'est là qu'elles génèrent le plus de créations d'emplois.


Le quatrième volet concerne le licenciement économique. Le projet de loi Macron actuellement en discussion envisage d'encadrer l'indemnisation du salarié en cas de licenciement « non justifié » et de limiter au territoire national le reclassement des salariés. Mais il faut aller beaucoup plus loin. En France, comme dans d'autres pays du sud de l'Europe, le juge considère qu'un licenciement économique est justifié seulement si la situation économique de l'entreprise lui semble compromise. Ainsi, selon la jurisprudence, l'entreprise peut licencier pour « sauvegarder sa compétitivité » mais pas pour « l'améliorer ». Ce distinguo abscons induit une grande incertitude pour l'employeur, qui ne sait jamais comment sa situation économique sera des années plus tard interprétée par le juge judiciaire. Cela constitue un frein majeur aux embauches, particulièrement celles des jeunes et des seniors, et réduit notre potentiel de croissance.


La solution passe par la simplification du contrat de travail. Une voie possible consiste à modifier la définition du licenciement économique pour que le juge apprécie sa légalité, non au regard de la situation économique de l'entreprise, mais en vérifiant simplement la réalité de la réorganisation engagée.


Ceci revient à modifier l'article L. 1233-2 du Code du travail selon lequel un licenciement pour motif économique est justifié par « une cause réelle et sérieuse ». Cette notion, créée en juillet 1973, visait alors le seul licenciement pour motif personnel. Il faut supprimer de l'article L. 1233-2 les deux mots « et sérieuse », qui sont à la source d'innombrables contentieux. Le licenciement économique serait simplement défini par l'article L. 1233-3 du Code du travail qui dispose qu'un licenciement économique a pour cause « une suppression ou transformation d'emploi ou une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail ». L'appréciation de la nécessité économique de cette suppression ou de cette modification serait, comme dans la majorité des pays étrangers, du ressort de l'employeur, le juge statuant sur la réalité de cette réorganisation. Il faut, en outre, supprimer les obligations de reclassement dans l'entreprise en éliminant l'article L. 1233-4 du Code du travail qui dispose qu'un licenciement pour motif économique « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ». L'obligation de reclassement ne doit pas incomber aux entreprises, mais au service public de l'emploi.


Ces changements sont ambitieux mais ils sont indispensables pour renouer avec la croissance et avec un taux de chômage durablement inférieur à 7 %.

Article rédigé par un collectif d'économistes à lire dans les Echos.fr