Placer la traçabilité au cœur des politiques publiques françaises et Européennes

19 Mars 2017

Dans un monde toujours plus connecté, dans lequel les marchandises circulent librement entre les pays, il devient incroyablement complexe de tracer l’origine et la composition de nos consommations. Cette difficulté pose de nombreux problèmes à la fois de santé publique, d’impact écologique et social. Il nous faut renforcer la coopération internationale et le poids des institutions de contrôle si nous voulons éviter des crises de confiance à répétition.
Lorsque nous achetons un bien nous sommes sensibles à de nombreux paramètres tels que le prix, l’emballage, la marque, les labels, les ingrédients listés etc. Cependant pour certains de ces paramètres (notamment les labels et les ingrédients mais aussi les méthodes de production) nous n’avons pas d’autre choix que de nous en remettre au bon fonctionnement des institutions qui s’occupent de contrôler et garantir la véracité des informations présentes sur les étiquettes.

Nous achetons aujourd’hui des biens complexes à des gens que nous ne connaissons pas et que la plupart du temps nous ne rencontrons jamais. Que nos sociétés aient réussi à instaurer un tel niveau de confiance est en soit remarquable. Mais cette confiance est fragile et peut être facilement trahie. Les récentes crises liées à la présence de viande de cheval dans des lasagnes Findus étiquetées pur bœuf ou les trucages sur l’impact écologique de certains véhicules dans l’industrie automobile en sont quelques exemples.

Malheureusement, dans une économie globalisée, il devient de plus en plus complexe de s’assurer de la provenance des matières utilisées et de la conformité des produits avec ce qui nous est annoncé. Il nous est par exemple impossible de connaître la provenance de l’essence que nous mettons dans nos véhicules, de nous assurer de la présence ou non de pesticides dans nos légumes, ou de savoir de quel type de forêt provient le bois de notre mobilier. Pour tous ces éléments nous faisons confiance (à raison dans la plupart des cas) aux agences publiques et privées de contrôle et de régulation.

Or, la mondialisation et les innovations technologiques rendent la traçabilité très complexe. Des paradis fiscaux à la multiplication des sous-traitants, les nouvelles méthodes de production génèrent une opacité qui gêne le travail des agences de contrôle, sans parler des problèmes de corruption qui condamnent l’intégrité du processus de certification. Par exemple, quand une entreprise achète du pétrole, il doit être accompagné d’un certificat d’origination qui est censé renseigner l’acheteur sur son lieu d’origine. On peut maquiller l’origine du pétrole de deux façons: soit en le mélangeant avec un pétrole d’une autre origine, soit en falsifiant le certificat d’origination. C’est ainsi que le pétrole de Daech, qui est d’abord écoulé en Turquie, peut finir dans nos réservoirs via le port de Ceyhan.

Ce problème dépasse l’échelle nationale. Il nécessite la coopération des nations et la supervision des entreprises de certification qui opèrent au niveau international. Cette chaîne de certification et de traçabilité doit être robuste à la corruption du début à la fin. Autrement, elle n’a aucune valeur.

Outre les problématiques de santé publique (faux médicaments, produits toxiques retrouvés dans des biens alimentaires, etc.) et d’impact écologique (bois issu de la déforestation, huile de palme d’origine non contrôlée, etc.) ou social (pétrole produit par Daech, smartphones composés de coltan issu de mines clandestines, esclavage, etc.), c’est toute notre conception de la traçabilité qu’il faut repenser.

Les conclusions en termes de politiques publiques qui découlent de cette analyse sont assez simples. Il faut donner plus de moyens aux agences de contrôle qui assurent la qualité des produits vendus sur notre territoire ainsi que leur traçabilité. Il faut surtout favoriser le développement d’agences de certification internationales robustes, capables d’avoir une vision beaucoup plus large des phénomènes de production et de suivre beaucoup plus précisément les composants et les techniques de production des biens de consommation, notamment ceux en provenance des pays en développement.