Surveillance par Stop-Covid : Se laisser tracer, c'est s'auto-tester

24 Avril 2020 Coronavirus

Tracer, c’est potentiellement, pour chaque utilisateur, avoir la capacité de savoir, à tout instant et en tout lieu, s’il est ou non infecté en fonction de ses propres déplacements. Le traçage est une solution décisive pour faire face aux manques de tests et à l’imprécision de certains tests.

Le projet PEPP-PT (pour Pan Européen Privacy Preserving Proximity Tracing) propose une alternative et une approche complémentaire aux tests de diagnostics du COVID-19 dans la lutte contre la propagation du virus lors du déconfinement. Ce principe consiste à tracer les contacts entre les individus en utilisant les technologies de détection de proximité qu'offre un des objets le plus répandu dans la société : le smartphone. Si deux personnes se rencontrent, alors que l'une d'elle a été testée positive au COVID-19, leurs smartphones détectent l'évènement de proximité et, en échangeant de l'information entre eux et avec un registre central, établissent une probabilité d'infection de la personne non testée. Celle-ci peut alors être informée plus rapidement du risque d'infection et prendre les mesures de confinement nécessaires dans les meilleurs délais. L’application STOP COVID, fortement évoquée en ce moment, suivra les recommandations du PEPP-PT.

C'est là toute la valeur d'une telle approche : avoir un temps d'avance sur le virus. L'infographie ci-dessous l'explique simplement. Puisque qu'il n'est pas envisageable de tester l'ensemble de la population, les tests ne sont pratiqués que sur des personnes symptomatiques qui ont eu le temps d'infecter plusieurs autres personnes auparavant. "Confiner ces personnes, sans confiner celles qui ont été contaminées n'aura aucun effet sur la propagation du virus !

L’application STOP COVID présente cependant deux difficultés de mise en œuvre.

La première concerne la crainte de certains utilisateurs, à tort ou à raison, concernant la protection des données personnelles, et cela à deux niveaux : d’une part, la nécessité de centraliser les informations de proximité et de tests de dépistage dans une base de données commune opérée par une administration centrale, autrement dit le risque Big Brother; d’autre part, l'option d'opérer le système sur un objet – le smartphone -  contenant quantité d'autres informations personnelles et relativement peu protégé contre les tentatives de piratage ou de compilation croisée, autrement dit le risque Hacker ou Man-in-the middle ("homme du milieu").

La seconde difficulté concerne le taux d'équipement de la population en smartphone qui est actuellement de 80%. Une partie des contacts sociaux échapperont donc potentiellement au système. Or ces 20% restants correspondent notamment à des populations critiques dans la lutte contre la maladie : les enfants, qui semblent être des porteurs sains, les personnes âgées, qui ont le taux de morbidité le plus important dans la population, et des populations pauvres.

Une part importante du projet STOP COVID est dédiée aux solutions cryptographiques et architecturales pour garantir la protection des données personnelles.

Toutefois une solution basée sur des dispositifs électroniques plus simples, spécifiques à cet usage, ne contenant aucune donnée autre que celles nécessaires au traçage social, mais toujours capables d'opérer les mêmes algorithmes de cryptographie puissants, pourraient mieux répondre aux deux difficultés mentionnées. Ces dispositifs pourraient prendre l'aspect d'un petit objet connecté à prix très faible, moins de 10€. Ils pourraient être distribués gratuitement par l'administration sanitaire en même temps qu'une autorisation temporaire de déconfinement de façon à atteindre l'ensemble de la population. Une fois l'épidémie terminée, ces objets pourraient aussi être récupérés en garantie de l'arrêt du système ou purement et simplement désactivés.

Plusieurs études ont montré la faisabilité d'un tel système de bracelets. La principale difficulté réside dans les capacités de production et les délais de mise en œuvre. De nouveau la Chine et d’autres pays à bas coûts pourraient répondre rapidement à condition bien sûr que le processus de commande ne s’enlise pas dans les lourdeurs administratives. Cependant des ressources existent en Europe qui sont aussi rapidement mobilisables, comme la filière semi-conducteurs ou celle de la production de circuits imprimés. Les coûts de production seront peut-être plus élevés qu’en Chine, mais ce serait l’occasion de tester notre volonté de développer les capacités productives européennes dans ce domaine stratégique qu'est l'électronique. Cela pourrait nécessiter des subventions qu’il faudra assumer et mettre en œuvre efficacement.

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