Forcer les banques à s’assurer contre une faillite

3 Novembre 2016 Finance

Favoriser l'inceste bancaire européen et méconnaître la logique de l'assurance sont les deux caractéristiques des nouvelles régulations bancaires internationales. C'est une double erreur, alors qu'il suffirait de forcer les banques à s'assurer contre le risque de faillite. Une fois de plus, les régulateurs bancaires internationaux souhaitent entraver les grandes banques (et donc favoriser les petites), afin d'éviter aux Etats de devoir renflouer (« bail out ») de grandes banques qui seraient trop coûteuses à sauver (le fameux risque du « too big to fail »). Comment ? Dans les négociations internationales au sein du Comité de Bâle sur les nouvelles règles prudentielles bancaires ( surnommées « Bâle IV » ), il est aujourd'hui question de renforcer encore plus les contraintes sur les grandes banques, en augmentant les ratios de capital pour les seules grandes banques. C'est une double erreur.
Première erreur : la zone euro a, au contraire, besoin de banques transnationales paneuropéennes, qui, par construction, doivent être grandes, pour absorber les chocs économiques asymétriques (l'Italie aujourd'hui) et améliorer la qualité de la gouvernance. Ces grandes banques couvriraient chacune une partie significative de la zone euro et ne seraient pas trop concentrées dans un seul pays. Or, la réglementation bancaire actuelle (et encore plus Bâle IV) fait le contraire : elle favorise l'inceste bancaire (fusions nationales entre petites banques) et prohibe l'exogamie bancaire (fusions transfrontalières). Deuxième erreur, le traitement du risque des « banques trop grosses pour être renflouées »).

Ecarter les risques

La doxa actuelle est « small is beautiful ». C'est une erreur. Une bien meilleure réponse existe : l'assurance. Le régulateur bancaire imposerait à chaque banque européenne de s'assurer contre le risque de devoir faire appel à une recapitalisation extérieure (« bail out »). Chaque banque devrait aller souscrire une police d'assurance auprès de grands investisseurs internationaux solides. Cette assurance n'interviendrait, en cas de grave crise, qu'après les solutions internes (absorption des pertes d'abord par les actionnaires, puis par les prêteurs directs aux banques - solution dite du « bail in », qui est au coeur de l'Union bancaire européenne lancée en 2014). Ces assureurs seraient l'ensemble des réserves des banques centrales, des fonds souverains ou des assureurs, de préférence hors zone euro pour diversifier les risques. Le contrat d'assurance serait écrit sous un droit très contraignant et hors zone euro (à Londres ou à New York) pour être sûr que l'assurance sera bien versée en cas de crise. L'assurance serait déclenchée lorsque le régulateur bancaire national (pour les petites banques) ou européen (pour les grandes) déciderait que la banque a besoin d'une recapitalisation extérieure.

Cette solution aurait de nombreux avantages. Premièrement, elle écarterait définitivement le besoin de renflouement (« bail out ») par les Etats. Deuxièmement, elle permettrait la constitution sans entrave de grandes banques européennes essentielles à la survie de la zone euro. On pourrait même alors imposer aux grandes banques européennes des contraintes de capital plus faibles que pour les petites banques pour favoriser l'exogamie plutôt que l'inceste bancaire. Troisièmement, cette assurance créerait un marché de la régulation bancaire : les fournisseurs d'assurance conduiraient, en permanence, une évaluation du risque de chaque banque. Ils suivraient à la fois la gestion de chaque banque et le sérieux de la réglementation bancaire. Les primes d'assurance demandées à chaque banque par les grands investisseurs internationaux refléteraient leur confiance dans les régulateurs bancaires européens (au premier chef en la BCE). C'est ainsi le moyen de répondre à la question essentielle de Platon : « Qui garde les gardiens » - bancaires ?

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